ALLISON, 17 ANS, REGION PARISIENNE, 2006

Tout commence début Juillet 2006. Allison se fait enlever les 4 dents de sagesse. Ce témoignage est celui de la maman d’Allison.

De douloureux maux de tête apparaissent dans les semaines qui suivent cette extraction ; nous mettons ceci sur le compte de la cicatrisation, car ils commencent toujours près de la dent de sagesse supérieure droite et rapidement entourent l’œil droit et la moitié du front… Ces maux de tête ne passant pas, nous décidons de retourner voir le stomato qui l’a opérée à l’hôpital de Pontoise. RAS du côté de la cicatrisation, voir un médecin généraliste pour une suspicion de névralgies du nerf trijumeau. Ceci est confirmé par la généraliste le 20 octobre.

Un traitement au TEGRETOL L.P. 200 mg (Carbamazépine) est mis en place pour 3 semaines, à raison d’un comprimé le matin et un le soir, possibilité d’adapter la posologie en fonction des douleurs. Le médecin nous informe que c’est un anti-épileptique, que ce médicament est fort et qu’il peut avoir des répercussions sur le foie. Une prise de sang est d’ailleurs effectuée le lendemain matin, 21 octobre 2006, avant de commencer le traitement. Tout est normal. Le traitement est donc commencé le 21 octobre 2006, avec ½ comprimé matin et soir. Le 22 octobre, aucune amélioration n’étant constatée et les maux de tête très douloureux, nous passons à 1 comprimé matin et soir.

En 8 jours, les maux de tête deviennent de plus en plus violents. Notre médecin prescripteur étant en congés, je demande à Allison d’arrêter le TEGRETOL, sachant que ce médicament était nocif et qu’il n’agissait pas. Nous sommes donc le 28 octobre 2006.

Le lundi 30 octobre 2006, Allison se réveille avec 39,5 °C de fièvre et des plaques rouges qui la démangent sur la moitié supérieure du corps. Elle frissonnait depuis la veille au soir. Nous décidons d’emmener Allison aux urgences de l’hôpital de Pontoise qui, après prise de sang et analyse d’urine, décident de l’hospitaliser 24h en dermatologie.

Les 31 octobre et 1er novembre, Allison a de plus en plus de plaques sur le corps, qui deviennent violacées et commencent à lui faire mal. La fièvre avoisine toujours les 40 °C. Ses yeux sont gonflés et lui font mal. Des boutons apparaissent dans sa bouche, elle a du mal à manger. Je rencontre le Dr BLUM, dermatologue, qui m’explique qu’il doit la garder dans le service, car les résultats des prises de sang ne sont pas très bons, globules blancs trop bas. Allison est aussi examinée par la neurologue pour ses maux de têtes, le diagnostic d’Algies Vasculaires de la Face est posé après interrogatoire. Le soir du 31 octobre, Allison n’arrive plus à bouger tellement elle est faible.

Le jeudi 2 novembre, je trouve Allison boursoufflée, prostrée dans son lit d’hôpital, ne supportant aucun contact tellement sa peau la fait souffrir. Ses yeux sont toujours gonflés et elle a une conjonctivite ; elle voit trouble. Toujours la fièvre entre 39 et 40 °C. Je vois à nouveau le Dr BLUM qui me parle du Syndrome de Steven Johnson ou Lyell, qu’elle allait « buller »… Je ne comprends pas trop la gravité de la maladie, bien qu’ayant passé la nuit sur le net à regarder les éventuelles allergies au TEGRETOL ; j’avais bien lu les risques de Syndromes de Steven Johnson et de Lyell, sans pour cela en saisir la gravité, car je n’avais jamais entendu parler de ces maladies. En effet, Allison commence à « buller » sous le menton et sur les épaules.

Le Dr BLUM fait transférer Allison à l’hôpital Henri Mondor de Créteil où, me dit-il, est situé le service de dermatologie référent national pour le traitement de ces syndromes. Il me parle d’un protocole de recherche à base de Ciclosporine (médicament anti-rejet utilisé chez les personnes greffées). Allison passe une radio des poumons (normale) et est perfusée avant de partir avec de la morphine pour ne pas souffrir pendant le trajet. Nous arrivons, en ambulance, à Créteil pour 16h. A partir de ce moment, commence la descente aux enfers !

Pendant qu’Allison, notre fille adorée, est « accueillie », c’est-à-dire qu’on lui pose une sonde gastrique, une sonde urinaire, déshabillée et enduite d’une épaisseur d’un centimètre de vaseline de la tête aux pieds… morphine à 3 ml/heure en continue avec une pompe, installée dans un lit spécial à coussins d’air, chauffé, toît chauffant au-dessus du lit car il ne faut surtout pas qu’elle frissonne… mon mari et moi sommes reçus par le Dr Laurence ALLANORE, dermatologue, qui nous explique le processus de ce syndrome de Lyell, que le TEGRETOL a donné l’ordre à certains de ses globules blancs de rejeter sa peau, de la mortalité possible dans les dix jours qui suivent (on met une « butée » d’évolution de la maladie jusqu’au jeudi 9 novembre), du risque élevé de septisémie pendant la phase de cicatrisation évaluée à 10-12 jours à partir du moment où les bulles percent. On nous rassure (mais l’avons nous entendu…) cependant sur le fait que les 18 patients qui ont reçu, à ce jour, ce protocole à base de ciclosporine sont en vie, mais quelques uns avec des séquelles plus ou moins importantes surtout au niveau occulaire. Nous sommes annéantis ! Nous retrouvons Allison, complètement nue sur son lit dans une chambre de soins intensifs, sa peau toute noire et brillante avec la vaseline. Très impressionnant ! Le protocole à base de ciclosporine est mis en route le jour même.

Le vendredi 3 novembre se passe avec beaucoup de douleurs, la fièvre est toujours élevée, malgré les médicaments, la morphine est augmentée à 3,5 ml/h tellement Allison souffre et quelques « bonus » sont administrés dans la journée quand la douleur devient insupportable (évaluée à 9/10 voire 10/10 par Allison). De grosses bulles apparaissent. Allison demande aux infirmières qu’on lui perce car ça la fait souffrir. Toutes les deux heures, on prend la tension d’Allison, la saturation ; des prises de sang et les gaz du sang sont effectués plusieurs fois par jour, les infirmières s’y prennent à plusieurs fois car Allison est pleine d’œdème (elle a pris 3 kg d’eau), ses veines et artères sont difficiles à trouver, sources de souffrances supplémentaires pour elle. Nous décidons à partir de ce soir de dormir près d’elle, à tour de rôle avec mon mari. Les nuits sont angoissées, douloureuses.

Le samedi 4 novembre, Allison n’est pas bien, fièvre, douleurs entre 8 et 10/10 malgré la morphine et ses « bonus ». Elle a chaud, alors on éteint le plafond chauffant et on baisse la température du lit ; elle a froid, alors on augmente tout… jusqu’au soir où d’un coup, tout va mal, elle ne se sent pas bien du tout, la tension baisse à 7/3, la saturation aussi… et c’est le choc septique (sepsis à point de départ urinaire) ! Tout le monde s’affère autour d’elle, un médecin réanimateur est appelé en urgence… notre fille Allison peut à tout moment mourir. On lui perfuse 500 ml de plasmion et 500 ml de sérum physiologique très rapidement. Et la tension remonte doucement mais surement. Ouf ! ma fille (notre fille) a survécu. Nuit d’angoisse s’ensuit…

Le dimanche 5 novembre matin, la tension est remontée à 12/7. Toujours fiévreuse et douloureuse. Allison tient des propos délirants. Morphine à 4 ml/h.

Les jours qui suivent jusqu’au fameux jeudi 9 novembre où la maladie a fini son évolution ne sont que hauts et bas. Les bains asseptisants donnés chaque matin ne sont que douleur pour déplacer Allison avec un élévateur jusque dans la baignoire. On décide de mettre Allison sous gaz euphorisant pendant le bain, mais elle ne le supporte pas, ça lui fait peur

Le mardi 7 novembre, Allison commence à peler du visage. La maladie semble moins progresser. Toujours sous morphine à 4ml/h. Le dos d’Allison n’est plus qu’une énorme plaie qui la fait beaucoup souffrir. Dans la nuit du 7 au 8 novembre, Allison arrache, en dormant, sa perfusion qui ne tenait que par une bande, car pas question de mettre du sparadrap sur sa peau. Il est alors question de poser dans la matinée, sous anesthésie générale, un cathéter central dans une artère. Finalement, l’idée est abandonnée par les médecins, car ce serait une source supplémentaire d’infection et les bains quotidiens ne seraient plus possibles. Allison n’est donc plus perfusée et la pompe à morphine est remplacée par des comprimés morphiniques.

Dans la nuit du 8 au 9 novembre, Allison ne supporte plus sa sonde gastrique. Décision est prise par le médecin de garde de lui retirer. Allison n’a jamais arrêté de boire pendant la maladie, mais ne pouvait plus se nourrir à cause de décollements dans la bouche et l’œsophage. Maintenant qu’elle n’a plus de lésions dans la bouche, elle peut recommencer à s’alimenter, à base de compléments hyper-protéinés les premiers jours pour favoriser la cicatrisation de la peau. Dès la sonde gastrique ôtée, Allison reprend vie ! L’infirmier de nuit prend même l’initiative d’assoir Allison sur le rebord de son lit ; Allison sourit enfin depuis 10 jours !

Enfin nous sommes au jeudi 9 novembre ! Allison est installée dans un fauteuil pour déjeuner. La maladie ne progresse plus. Allison est décollable à 65 %. Maintenant le risque d’infection est grand à cause de l’absence d’épiderme sur une grande partie de son corps. Allison demande un lit normal car elle ne supporte plus les coussins d’air qui l’empêchent de bouger.

Le 10 novembre, la sonde urinaire est enlevée.

Allison cicatrise très vite. Un prélèvement de peau est effectué le 11 novembre à cause de la présence de pustules sur l’épaule. On trouve un staphylocoque doré.

Sortie de l’hôpital mardi 14 novembre avec une ordonnance d’antibiotiques pour l’infection urinaire, le staphilocoque doré, un traitement pour les yeux et la ciclosporine (fournie par l’hopital) à continuer encore une quinzaine de jours.

Allison est sortie sans séquelle de ce syndrome, quelques tâches brunâtres sur les avants-bras et les jambes. Aucune séquelle occulaire. Elle est très fatiguée et ne reprendra les cours qu’en janvier 2007. Elle se fait suivre par un psychiatre à l’hopital de Créteil et un autre près de notre domicile. Si cette maladie n’a laissé que d’infimes traces physiques, les traces psychologiques sont bien là et il va falloir y faire face. Pas de soleil pendant un an, avec une crème indice 60 sur les zones exposées l’été prochain.

Allison sera suivie plusieurs années par l’hôpital Henri Mondor en hôpital de jour.

P.-S.

Je tiens à dire que l’équipe du Professeur Jean-Claude ROUJEAU du Service de Dermatologie de l’hopital Henri Mondor à Créteil est formidable, que ce soient les médecins, internes, infirmier(e)s et aide-soignant(e)s. Nous avons rencontré le Professeur ROUJEAU pendant l’hospitalisation d’Allison. Grace à lui, Allison a pu accéder aux meilleurs soins et traitements possibles pour cette maladie, inconnue du grand public. Je remercie aussi le Docteur BLUM, de l’hôpital de Pontoise qui a su prendre la bonne décision, à temps, pour transférer Allison à Créteil.

Les Algies Vasculaires de la Face, malheureusement, continuent… La morphine à hautes doses avait endormi la douleur pendant une dizaine de jours à l’hôpital, mais la douleur est revenue très vite dès l’arrêt de la morphine. C’est un autre combat qui commence…

3 réflexions au sujet de « ALLISON, 17 ANS, REGION PARISIENNE, 2006 »

  1. J’avais lu votre témoignage dès les premiers jours d’hospitalisation de ma fille de 12 ans et je tiens à vous remercier d’avoir partagé ce terrible drame avec les inconnus que nous sommes car l’histoire de votre fille m’a donné de l’espoir dans l’épreuve que mon enfant traversait.Malheureusement, aujourd’hui cet enfer continue, les séquelles l’empêchent de vivre sa vie d’adolescente et je ne sais plus auprès de qui trouver l’aide qui lui permettra de retrouver le goût de vivre.Comment va votre fille aujourd’hui? Avez-vous des spécialistes à me conseiller pour soulager la mienne? Avez-vous vous même été accompagnée psychologiquement par des professionnels de l’hôpital Mondor? Je vous remercie encore pour votre témoignage .

    • Bonjour,
      je lis vos commentaires avec beaucoup de retard.
      J’ai eu mon Lyell à l’âge de 6 ans, j’ai pu m’en sortir et aujourd’hui, je mène une vie quasi normale. J’ai 35 ans.
      Je suis tout à fait disposée à répondre à vos questions si vous le souhaitez. Je vous enverrai mes coordonnées téléphoniques par mail.
      L’un des membres de notre équipe, Sarah, s’occupe également de répondre aux questions des victimes. Son fils a eu un SJS à l’âge de 8 ans en 2009. Il est également très traumatisé. Discuter avec Sarah vous aidera peut-être ? Entre mamans, je suis sure que vous vous comprendrez. Je vous laisserai également ses coordonnées.
      Bon courage
      Karine

    • Bonjour,

      J’ai eu le syndrome de Lyell à l’âge de 12 ans comme votre fille.
      J’en ai aujourd’hui 23. J’ai pris connaissance de l’association Amalyste il y a peu. J’ai lu votre commentaire concernant l’hospitalisation de votre fille. Après une hospitalisation d’un mois à l’hôpital Necker Enfants Malades suivie par le Dr Hadj Rabia, j’ai eu quelques séquelles (taches sur la peau au niveau du visage bras et cuisses) ces taches sont toutes parties même si je crois encore les voir parfois, les seules séquelles restantes sont des taches blanches (dépigmentation) au sur les lèvres et quelques unes sur la poitrine. J’ai les yeux assez secs aussi donc j’utilise régulièrement du sérum physiologique. les séquelles les plus importantes sont psychologiques. J’espère que votre fille guérira très vite. Je suis sur Paris, je ne sais pas si me parler vous aiderait vous et surtout votre fille, à supporter ce douloureux épisode de votre vie. Je ne sais pas comment faire pour se contacter… Je vous dis peut-être à bientôt ? et vous souhaite beaucoup de courage pour la suite de son hospitalisation.

      Cordialement,

      Anissa M.

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